Historique de la manufacture

Le fondateur : Jean-Georges Koenig (1945-1983)

Jean-Georges Koenig est né le 16 mai 1920 à Strasbourg. Issu d’une famille d’amateurs de musique, il souhaite très jeune se diriger vers la facture instrumentale.

Il intègre la maison Roethinger au moment où ce dernier réalise le grand-orgue de la cathédrale de Strasbourg, un des premiers instruments à traction mécanique en Alsace au XXe siècle. Il y côtoie d’autres facteurs comme Alfred Kern et Ernest Muhleisen, ainsi que le « mécanicien », un dénommé Salmon, venu de la maison Mutin-Cavaillé-Coll. Ceci explique son attirance pour les orgues mécaniques.

Après douze années passées au sein de l’atelier Roethinger, il souhaite voler de ses propres ailes. En novembre 1945, il rachète le fonds de commerce à la veuve de Henri Vondrasek de Sarre-Union. Il essaye d’introduire le système mécanique dans ses instruments comme à Petit Ebersviller ou à Saint-Antoine à Phalsbourg en 1953. La concurrence de la maison Haerpfer-Ermann l’oblige néanmoins à construire essentiellement des orgues à traction électrique, système plus séduisant pour bon nombre d’organistes.

Vers 1965, grâce à l’arrivée au conservatoire de Strasbourg d’un jeune professeur, Michel Chapuis, Jean-Georges Koenig a enfin l’occasion de revenir à des orgues à traction mécanique. Il réalise alors les orgues de Léning, Brouderdorf et surtout de Sarre-Union. Cet instrument, réalisé en 1967 dans un buffet Delorme de 1717, devient une référence mondiale qui fait connaître la maison bien au-delà de l’Alsace-Lorraine. Il s’agit en effet du premier orgue construit d’après le traité de Dom Bédos de 1766. Les critiques sont unanimes et cette reconnaissance internationale ouvre de nouveaux horizons à la petite entreprise familiale.

La deuxième génération : Yves Koenig (1968-2020)

C’est dans cette ambiance exaltante de retour aux sources que le fils de Jean-Georges, Yves, né à Sarre-Union le 16 mai 1950, entre dans l’atelier familial après des études de mécanique. Père et fils œuvrent ensemble entre 1968 et 1983.

Cette période est notamment marquée par la restauration de l’orgue de Lorris en 1974. Cette restauration s’est distinguée par un réel souci de compréhension des techniques anciennes de construction et par une volonté de conserver tout le matériel ancien. La déontologie de la restauration d’orgues étant alors encore embryonnaire, il était exceptionnel de choisir de débosseler, consolider et combler les tuyaux existants plutôt que de les remplacer par des copies. Ce respect des techniques et matériaux d’origine a permis de pousser très loin la reconstitution, en utilisant la même essence et le même débit du bois, le même alliage pour le métal des tuyaux, et les mêmes assemblages que sur les éléments d’origine.

Suite à la reconstruction de l’orgue de Sarre-Union, la maison a construit presque exclusivement des orgues à mécanique suspendue dont les qualités sont devenues une référence dans le métier. En dépit d’une apparente spécialisation dans le domaine de l’orgue classique français, dès 1972, les Koenig se sont intéressés aux orgues des Pays-Bas, puis à ceux d’Allemagne Centrale et d’Allemagne du Sud. La réalisation de l’orgue de la Vrije Universiteit d’Amsterdam a ainsi constitué une première prise de contact avec les orgues d’Europe du Nord. Cette quête s’est poursuivie par l’étude des orgues chers à Jean-Sébastien Bach, en Saxe et en Thuringe, et a inspiré la réalisation des instruments de la paroisse Saint-Guillaume à Strasbourg, Orsay, Soleuvre, et plus récemment, de l’église Saint-Joseph de Macao.

En 1983, Jean-Georges Koenig laisse les rênes de la manufacture à son fils Yves, qui permet à la manufacture d’exporter et de faire connaître à l’étranger l’orgue classique français. Les années 1980 constituent pour la maison Koenig une sorte d’âge d’or de la restauration des orgues classiques français. C’est en effet l’époque de la restauration des orgues de Rodez, Mende, Valence, ou encore Joinville. Ces restaurations se veulent plus respectueuses du matériel ancien, dans la lignée de ce qui avait été fait à Lorris. La décennie est également marquée par la construction d’orgues neufs, toujours dans le style classique français, comme à Pierrefonds, La-Roche-sur-Yon et Saint-Malo. Pour ces orgues neufs, Yves Koenig se lance dans des recherches sur l’ornementation afin de sortir de la vague des buffets « minimalistes » et de proposer des buffets en adéquation avec l’esthétique musicale.

La décennie 1990 est quant à elle marquée par une orientation plus prononcée vers l’esthétique allemande, comme en témoignent les orgues de Saint-Dié, de Sarreguemines ou de Charleville. Toutefois, la manufacture réalise également des orgues d’esthétique un peu hybride, « Saxon dans la chair et Parisien dans les gènes », comme à Osaka ou Regensburg.

Le début des années 2000 se caractérise par des projets très variés, difficiles à rattacher à une tendance précise. Yves Koenig construit plusieurs orgues neufs, en souhaitant à chaque fois offrir la meilleure intégration possible dans le projet local, tant du point de vue sonore qu’esthétique.

La collaboration Koenig-Marchal (2008-…)

En 2008, Julien Marchal, né le 29 octobre 1990, entre en apprentissage dans l’entreprise après un baccalauréat littéraire. Passionné d’orgue depuis son plus jeune âge, organiste titulaire de Hesse – un orgue restauré par Jean-Georges et Yves Koenig ! – il obtient d’abord un CAP de menuisier puis un Brevet professionnel. Depuis son arrivée dans l’entreprise, il a eu l’occasion d’élargir petit à petit son champ de compétence, de la menuiserie à la conception, en passant par l’harmonie, pour finalement succéder à Yves Koenig en 2020.

Ces dernières années sont marquées par la part croissante des restaurations dans les travaux de la manufacture Koenig. L’entreprise a toutefois eu à cœur de faire évoluer ses pratiques en la matière. L’arrivée de Julien Marchal a ainsi initié un rapprochement avec le monde de la restauration des musées, via la participation au groupe bois de la SFIIC (section française de l’International Institute of Conservation). Cela permet à la manufacture de se tenir régulièrement informée des recherches menées par les élèves de l’Inp, le C2RMF ou le LRMH dans le domaine des matériaux de restauration, de lutte contre les insectes xylophages et les microorganismes, et des vernis anciens.

La décennie 2010 a pour le moment vu la naissance de plusieurs orgues neufs : Macao, dans une esthétique allemande ; Luz-Saint-Sauveur, inspiré des orgues d’Allemagne du Nord ; et l’orgue de chœur de Saint-Malo. Ce dernier se distingue par sa conception qui allie habilement tradition et modernité : le buffet en chêne de style français XVIIIe siècle abrite une transmission des notes en fibres de carbone, une console fixe à transmission mécanique en côtoie une seconde mobile à transmission électrique, permettant à l’instrument de mieux s’intégrer dans un ensemble. D’autres orgues ont été construits en Autriche (Kapuzinerkirche de Vienne), en Italie (Schluderns) et en France (Plappeville). De nouveaux instruments sont à venir, aussi bien en France (Strasbourg, Paris…) que partout dans le monde, faisant rayonner la manufacture Koenig au-delà de l’Alsace-Moselle dont elle est originaire.